Johan Demai-Hamecher : Le parcours d’un combattant

En revenant sur le parcours du capitaine de Monaco on se dit que seul le sport peut offrir de telles histoires à raconter. Celle de Johan confirme la règle.

« Chaque jour de ta vie est un feuillet de l’histoire que tu écris » peut-on lire en bas d’un post instagram issu du compte de Johan Demai-Hamecher en date du 13 septembre 2020. Apposée à la fin d’un long message de remerciement adressé à sa famille et ses proches la citation accompagne un montage composé de 3 photos. L’une d’entre elles attire automatiquement le regard. On y voit le jeune trois-quarts massicois (désormais de retour à Auch) alité et perfusé et l’on comprend instinctivement qu’une terrible épreuve vient d’être traversée. « J’ai subi une fracture du rein de stade 4 », lâche sans détour Johan à propos d’un accident survenu le 8 novembre 2019 lors d’un match contre Chambéry. Percuté involontairement dans le bas du dos, l’ailier ressent une douleur mais termine tout de même la rencontre avant d’être au bord du malaise lors du retour aux vestiaires… Une fois la porte des urgences franchie la situation s’accélère et empire, « je faisais une hémorragie interne qui touchait les organes vitaux », avoue le blessé grave opéré dans la foulée et placé en service de réanimation.

Un combat collectif
Le combat commence alors pour le joueur originaire de Saint-Lary et passé par Lannemezan, Tarbes et Auch. Une lutte acharnée disputée depuis son lit duquel il n’a pas le droit de sortir. Une bataille durant laquelle l’appui de ses parents, de ses proches et de sa copine a été précieux, déterminant et indéfectible. Cette combinaison d’amour et de volonté permet à Johan de traverser une épreuve faite de doutes et de frustration.

« D’abord il fallait savoir si je pouvais survivre avant de pouvoir penser à rejouer, puis après de nombreux scans et une surveillance étroite j’ai commencé à entrevoir une évolution », se rappelle le rescapé vite refroidit par les diagnostics. « Un coup on me disait que j’étais perdu pour le rugby, l’autre fois on pensait que trois mois pouvaient suffire… », annonce-t-il à tour de rôle à ses proches et ses coéquipiers. « L’hématome faisait la taille d’une bouteille de 50 cl et était difficile à résorber, un mauvais geste et je pouvais me retrouver à saigner au compte-goutte ce qui aurait provoqué une nouvelle hémorragie mais ce coup-ci indétectable », révèle le patient qui en guise de rééducation se fixait des challenges quotidiens. « J’ai commencé par sortir de mon lit et essayer de me tenir debout juste à côté », retrace Johan progressant au jour le jour. « Le lendemain j’ai marché jusque dans la cuisine, et le surlendemain je me suis fait un café et les journées suivantes je suis allé jusqu’au fond du couloir, j’ai descendu les marches et enfin fait le tour de l’hôtel », narre le survivant de retour au pied de ses montagnes quelques mois après la mésaventure.

Quand le destin s’acharne
A Saint-Lary, dans sa famille Johan se ressource, il retrouve énergie et espoir. Fin prêt à reprendre le destin lui inflige pourtant une nouvelle épreuve… « J’étais sur le point de revenir, j’étais en forme et j’avais eu le feu vert pour jouer avec Massy quand le weekend avant de rejouer la saison a été annulée à cause du covid », glisse-t-il hilare avec fatalisme et métamorphosé par sa terrible blessure. « Je prends plus de recul désormais, auparavant je ne voyais le rugby que par le prisme de la performance maintenant je veux prendre du plaisir sur le terrain et m’amuser », confie Johan passé un temps par l’équipe de France à 7 et qui a trouvé dans cette variante du rugby le meilleur moyen de rebondir.

« J’avais joué avec Jérémy Aicardi et Benjamin Prier lors de mon passage avec les Bleus, ils m’ont sollicité pour rejoindre le projet de Monaco et j’ai de suite adhéré, faire partie de cette équipe a été une priorité », assure le capitaine de l’équipe de la Principauté tout juste sacré à la suite de l’étape toulousaine du Supersevens. Ce succès il ne le prend pas comme une revanche contre le destin, Johan y voit plutôt un moment de partage à célébrer avec ses proches. « Ce fut une belle émotion, avant tout je suis content pour ma famille, ma copine et mes proches qui ont pu venir me voir jouer, courir et m’amuser à nouveau sur les terrains », commente-t-il serein et joyeux.

Capitaine courage
Exemplaire et combatif du huitième de finale face à Castres jusque dans les derniers instants de la finale face aux Barbarians, le capitaine a tenu son rang, confirmant l’excellent choix de Frédéric Michalak de lui confier le brassard. « Il me l’a annoncé le jour du tournoi, je n’ai pas eu de discours particulier lors des rencontres mais j’ai cherché à mettre en avant dans mes actes et paroles les notions d’abnégation, de force collective et de respect ce qui à mes yeux incarnent l’ADN du MR7s », révèle cet excellent joueur remarquable par ses actions, son discours et sa désormais célèbre moustache. « Je l’ai depuis longtemps, la moustache c’est de famille », rit Johan tourné vers La Rochelle dernier rendez-vous du tournoi estival. « On a assuré la qualification pour la finale à La Paris La Défense Arena (le 13 novembre prochain) mais on ne compte pas se satisfaire de ça, on est premier du classement à l’heure actuelle et le but c’est de terminer les étapes à la première place », lance l’ambitieux rescapé près de 2 ans après ce qui a failli sonner la fin de sa carrière, voire pire. Passé par des hauts et des bas, de petites victoires à de grandes déceptions, du bord de son lit jusqu’au bout du couloir de l’hôtel puis de la pelouse d’Aix en Provence au chemin menant vers la première ligne au palmarès de Monaco, Johan a rempli de nombreux « feuillets » depuis son post instagram. Il a suivi à la lettre la citation pour faire de chaque jour de sa vie une magnifique histoire et un incroyable combat qu’il peut raconter fièrement aujourd’hui.